LIBÉRONS-NOUS DES ÉNERGIES FOSSILES

Pour une fiscalité des carburants juste, équitable et d'avenir

Un combat d'avenir doit s'engager pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et accélérer la mutation vers des solutions qui conduiront à la maîtrise des coûts de la facture énergétique, de façon durable pour l’économie, le portefeuille de chacun, ainsi que pour la qualité de l’air et le climat. Pour l’année 2019, une personne qui roule au diesel et parcoure 18 500 km en moyenne, le coût supplémentaire de la TICPE sera de 51€ (60€ TVA comprise). Les 12 000 km annuels réalisés par un automobiliste qui roule à l’essence, lui coûteront 22€ de plus en 2019 (26€ TVA incluse) (1).  

Oui au maintien de la fiscalité écologique

Des taxes d’orientation vers la transition énergétique  

Les taxes écologiques sont indispensables, afin d’orienter les transports vers des carburants et des modes moins polluants et climaticides. Elles n’ont pas vocation à être punitives, mais doivent inciter la France à se tourner vers des énergies plus respectueuses de la santé et du climat.

Pour la santé

Le rattrapage de la fiscalité entre l’essence et le gazole, mis en place par le gouvernement précédent au moment du scandale des émissions du diesel est justifié par l’impact avéré sur la santé des produits issus de la combustion du gazole, classés cancérigènes certains par l’Organisation Mondiale de la Santé en 2012. Cette orientation est bénéfique pour l’intérêt commun et participe déjà à la forte baisse actuelle de la part des voitures diesel dans l’achat de véhicules neufs. Il faut s’en réjouir. Ce rattrapage supprime des exonérations fiscales qui avaient été instaurées en France dans les années 1980 pour soutenir la filière automobile du diesel et qui n’ont plus de raison d’être. La pollution de l’air a un coût exorbitant pour la société et l’économie française, estimé à 100 Md€ par an par le Sénat. 48 000 personnes décèdent prématurément chaque année en France en lien avec la pollution de l’air. Les transports sont responsables de 60 % des émissions de dioxyde d’azote, 15 à 20 % des particules. Au total près de 400 polluants ont été identifiés par l’ANSES en lien avec les infrastructures routières. 114 de ces polluants disposent d’au moins une Valeur Toxicologique de Référence et 30 autres sont classés cancérigènes par le CIRC.  

Pour le climat

Actuellement, la Composante Climat Énergie représente seulement 7 % du prix à la pompe de l’essence, 8 % du gazole et moins de 2 % du gazole professionnel. Les énergies fossiles sont responsables de 80 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Il est donc urgent de favoriser d’autres énergies et solutions, pour les transports, la mobilité et l’habitat en particulier. L’urgence climatique a été rappelée par le GIEC en octobre : nous devons agir rapidement et réduire de 45 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, c’est-à-dire demain.  

Les bouleversements climatiques, qui se font déjà ressentir en France, coûteront beaucoup plus cher à chacun d’entre nous que la fiscalité écologique. Le manque d’eau aura pour effet l’augmentation des coûts de l’alimentation. La montée de la prévalence d’évènements climatiques (inondations, montée du niveau de la mer, éboulements, glissements de terrain…) aura un coût direct pour les personnes affectées et indirect pour tous les assurés.

FNE SOUTIENT LA FISCALITÉ ÉCOLOGIQUE  La Contribution Climat Énergie et le rattrapage de la fiscalité du diesel ne doivent pas être remis en cause. La fiscalité écologique est un outil pertinent pour favoriser l’orientation vers des énergies moins polluantes et moins émettrices de gaz à effets de serre et pour encourager la mutation de la mobilité vers des solutions plus vertueuses. La trajectoire d’augmentation de cette fiscalité doit être maintenue, mais mise en place de façon équitable et en toute transparence.  

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Donner un sens à cette fiscalité

Transparence et fléchage vers la transition écologique

Les citoyens ont besoin de mieux connaître le montant des prélèvements réalisés sur les carburants et de savoir comment sont utilisés les fonds collectés pour la transition. Ces efforts de pédagogie et de transparence sont indispensables pour l’acceptabilité des taxes.  

Priorité pour les populations et les solutions décarbonées  

Le produit des taxes perçues doit être orienté en priorité vers les populations plus modestes et les plus dépendantes des énergies fossiles, en particulier dans les zones périurbaines ou rurales, sans solutions de mobilité alternatives.  

Sortir des modes et énergies fossiles  pour les déplacements  

Ces fonds doivent financer les solutions de mobilité alternatives (prime à la conversion, prime à la mobilité), que ce soit la motorisation du véhicule ou le passage à d’autres solutions de transports (vélo à assistance électrique, transports collectifs, autopartage, covoiturage…).  

Financer les infrastructures respectueuses  de l’environnement  

Il faut donner un sens à la hausse de la fiscalité écologique en orientant une partie des recettes vers l’Agence de Financement des Infrastructures (AFITF), afin de financer les infrastructures de transport qui impactent moins notre santé et le climat que la route (transports en commun, ferroviaire, fluvial…). À titre d’exemple le budget de L’AFITF n’est alimenté qu’à hauteur de 1,2 Mrd € sur les 37 Md€ de recettes de la TICPE prévues en 2019.  

Qualité de l’air  

Une partie des fonds récoltés doivent aussi financer la surveillance de la qualité de l’air. Le transport est l’un des principaux émetteurs de polluants atmosphériques, mais ne participe pas au financement de la surveillance de la qualité de l’air, contrairement au secteur industriel qui le fait par le biais de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP).  

Rénover les passoires énergétiques  

La rénovation énergétique de l’habitat doit continuer d’être soutenue en abondant financièrement les différents mécanismes actuels et en les renforçant.  

Une stratégie gagnant-gagnant  

À terme, la facture énergétique sera maîtrisée de façon durable, pour chacun, pour le chauffage comme pour la mobilité.

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FNE DEMANDE D’ORIENTER DE FAÇON VISIBLE LES RECETTES SUPPLÉMENTAIRES VERS LA TRANSITION  En 2019, la fiscalité sur les carburants sera augmentée de 4 Md€ (hors TVA) :

 • Augmentation de la Contribution Climat Énergie (pour les ménages) = 2 Md€.  
• Rattrapage de la fiscalité diesel = 1 Md€.  
• Fin de l’avantage fiscal pour le gazole non routier = 1 Md€.

Actuellement il est prévu que ces recettes supplémentaires aillent dans le budget général de l’État. Ceci n’est ni acceptable, ni incitatif. Pour FNE, ces recettes doivent clairement être dirigées vers des mécanismes et programmes d’aide à la conversion vers des solutions moins émettrices de polluants et de gaz à effet de serre, en priorité envers les personnes, territoires et secteurs en difficulté. Une partie de ces recettes devra être dirigée vers la rénovation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux, afin d’améliorer les transports de la vie quotidienne.

Stop aux exonérations fiscales coûteuses  

Le scandale des exonérations injustes et contre-productives  

En 2017, pour un total de 30,5 Md€ de taxes perçues sur les carburants (hors TVA), l’État français a accordé des ristournes fiscales de 7,6 Md€ sur le gazole professionnel à différents secteurs économiques, dont le transport routier de marchandises. Ceci représente des exemptions de 25 % des taxes sur les carburants.  

De plus, depuis 2016, le gazole professionnel est exempté de l’augmentation de la Contribution Climat Énergie, pour environ 2 cts€/an, soit pratiquement 1 Md€ d’exemption fiscale supplémentaire chaque année.  

L’effort pour la transition écologique repose ainsi injustement sur les seuls ménages. D’après le Conseil d’Orientation des Infrastructures, ces exonérations vont continuer à s’accroître fortement d’ici la fin du quinquennat si elles ne sont pas remises en question, pour dépasser 3 Md€ en 2022.  

De plus, sur autoroute, les automobilistes paient aussi pour les camions. Le prix du péage poids lourd n’est que 3 fois plus élevé celui du péage automobile, alors que les véhicules lourds usent beaucoup plus rapidement les routes que les véhicules légers.  

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La part disproportionnée des poids lourds dans les émissions  

Les poids lourds et véhicules utilitaires ne représentent que 21,5 % du trafic routier, mais engendrent 42,7 % des émissions de gaz à effet de serre en France (CITEPA 2016).

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Ces exonérations sont contre-productives

Les exonérations, qui sont en réalité des subventions aux énergies fossiles, engendrent dans l’OCDE des coûts sanitaires six fois supérieurs au niveau de ces exonérations (2). Elles sont contre-productives aussi concernant le report du trafic des marchandises de la route vers le rail, le fluvial ou le maritime. La part du fret ferroviaire, un mode de transport beaucoup plus respectueux de la santé publique et du climat, continue de chuter en France. En 2017, seulement 9 % des marchandises étaient transportées par le rail, contre 20 % en 1990.

Peu d’effet sur les prix à la consommation

Contrairement à ce qu’annoncent les transporteurs routiers, la part du coût des transports dans le prix d’un produit à la consommation est minime. Il représente 4 à 8 % de son prix total, selon le type de production. Un renchérissement du prix du transport aurait un effet insensible sur le prix final d’un produit, mais pourrait favoriser une relocalisation de certaines productions, redynamiser l’économie de proximité et réduire les distances parcourues et donc les émissions polluantes et climaticides.  

FNE DEMANDE LA SUPPRESSION DES EXONÉRATIONS FISCALES SUR LE GAZOLE  PROFESSIONNEL D’ICI 2025  

Pour une meilleure équité fiscale, tous les consommateurs de carburants doivent être mis sur le même pied d’égalité. Les exonérations, qui représenteront 8 Md€, soit 25 % des recettes de la TICPE en 2019, doivent être progressivement supprimées. Afin d’aider des secteurs qui seraient en difficulté, l’État doit mettre en place des dispositifs d’aides vertueuses, afin d’inciter ces secteurs à des pratiques moins consommatrices de carburants fossiles.  

Réduire notre addiction aux énergies fossiles  

Le pétrole : une ressource en quantité « finie » dont le prix s’inscrit à la hausse  L’extraction du pétrole est un procédé de plus en plus coûteux et de plus en plus impactant pour l’environnement : sables bitumineux, exploitation des fonds sous-marins, fracturation hydraulique… Cette ressource est importée et dépendante des politiques de pays exportateurs, mais aussi du cours du dollar et le l’euro. Les taxes ne sont pas la première cause de la flambée du prix de l’essence et du diesel, expliquent Les Décodeurs du journal Le Monde : « Au total, la part des taxes dans le prix des carburants a en fait stagné depuis onze ans »3. Le prix du cours du baril (Brent) a quant à lui explosé depuis 3 ans :  

• 1er janvier 2016 : 30,69 $  

• 1er septembre 2018 : 78,89 $  

En octobre, 70 % de l’augmentation du prix de l’essence à la pompe était liée à la hausse du coût de l’essence hors taxes. 62 % de l’augmentation du gazole était liée au coût du brut. (4)

Se focaliser sur la seule baisse des prix des carburants dans l’immédiat, serait continuer à aggraver notre dépendance toxique aux énergies fossile et continuer à nous exposer à la volatilité des cours du pétrole.  Pour permettre l’acceptabilité de la hausse de la fiscalité par nos concitoyens, qui va dans le sens des politiques à mener pour réduire la nocivité de certains transports et lutter contre le changement climatique, il est nécessaire de donner du sens à ces choix, en :  

1. Orientant très lisiblement les 4 Md€ de recettes supplémentaires dans le budget 2019 vers l’accompagnement des mutations de nos modes de déplacements, avec des aides renforcées pour les plus modestes et les zones dépendantes de la voiture individuelle.  

2. Supprimant les exonérations fiscales sur les carburants (dont le gazole professionnel routier), avec l’accompagnement des secteurs en difficulté à l’investissement dans des modes et solutions de transports moins consommatrices d’énergies fossiles.  

  1. Rapport Projet de Loi de Finances 2019 http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0273-tII.pdf

  2. https://www.env-health.org/wp-content/ uploads/2018/08/hidden_price_tags.pdf

  3. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/11/05/le-debat-sur-le-prix-des-carburants-pollue-par-des-intox_5379195_4355770.html

  4. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/26/les-taxes-ne-sont-pas-la-premiere-cause-de-la-flambee-du-prix-de-l-essence-et-du-diesel_5375162_4355770.html